Extrait :
Créer du lien, parfois même du business : tels sont les attentes des adeptes du coworking. Et cela, les concepteurs d’espaces dédiés à cette nouvelle pratique de travail l’ont bien compris. S’il en a fleuri plus d’une quarantaine en quelques années en Paca, chacun toutefois a mitonné sa recette propre pour faire de ses membres des coworkers heureux. Est-ce à dire pour autant qu’il émerge autant de philosophies que de lieux différents ? Oui… et non. Car quelques poncifs se retrouvent, d’un site à l’autre. Et parmi ces derniers, la flexibilité des horaires, l’aménagement de salles de réunion outre les open spaces, la volonté de convivialité via des équipements dédiés… Mais aussi, l’envie de faire vivre les espaces en question. Partout en effet, rencontres et autres événements thématiques rythment la vie des lieux. Bref, les communautés se créent et ce n’est pas un vain mot. L’émulation et l’échange permettant aux coworkers de s’aider ou de se donner mutuellement des conseils. Parfois même de co-créer…
Tenir compte du tissu
La configuration de Make it Marseille, espace axé makers comme son nom l’indique, donne une consonance particulière à cet aspect des choses. Les équipements dans lesquels les fondateurs ont investi n’y sont pas pour rien : studio photo, machine à coudre tissu et cuir, imprimante 3D, atelier bijoux et bois, machine à découpe laser, outillage en tout genre… de fait, le profil des utilisateurs du lieu s’est forgé en conséquence. Ils sont menuisiers, créateurs de bijoux, stylistes… ou œuvrent encore dans le design. « Nous avons tenu compte du tissu marseillais pour créer le lieu, car il compte beaucoup d’indépendants, acteurs de la création. Et ces derniers se démènent pour pouvoir vivre de leur activité, avec de petits moyens, mais une belle énergie. Donc notre offre de service leur permet de booster leur activité dans un espace professionnel« , explique Emmanuelle Roy, sa cofondatrice. Des savoir-faire qui s’entremêlent donc… « Par exemple, une restauratrice de meubles a utilisé la technique d’une encadreuse pour réaliser des plateaux. De l’une à l’autre, ce n’était pas la même manière de voir la matière« . Parfois même, outre le simple côté informel, de véritables systèmes d’échanges de prestations se mettent en place. « La valeur, c’est plus le temps que l’argent. Chacun donne une heure ou deux à l’autre pour son projet« , observe encore Emmanuelle Roy.
Comment cultiver sa différence ?
A l’instar de Make it Marseille, chaque espace de coworking entend se démarquer. A Nice, La Verrière a par exemple choisi d’axer sa philosophie sur les moyens de sortir ses membres de l’isolement. D’où une forte politique événementielle. « Expert-comptable de formation, il m’arrivait d’organiser par le passé des animations destinées à mes clients. Elles n’étaient pas forcément centrées sur mon cœur de métier, mais ciblaient plus largement les évolutions que connaît le monde de l’entrepreneuriat : financement par le crowdfunding, générations X et Y… Je me suis rendue compte que ce public était friand de ce type de rencontres, car par essence isolé. C’est ce constat qui a donné en partie la philosophie de La Verrière. Nous avons par ailleurs misé sur le côté bien-être« , explique Valérie Ammirati, créatrice des lieux. Cela se retrouve dans l’ambiance des pièces, toutes très colorées, l’agencement des espaces, qui comprennent deux salles de détente, des sièges ergonomiques, un fauteuil de shiatsu… Mais aussi dans la programmation des événements. « Nous avons déjà organisé des soirées détox ou encore sur la communication non-violente, qui a eu beaucoup de succès : près de 45 inscrits et 15 sur liste d’attente… On se rend compte qu’il y a un réel intérêt pour ce type de thématique« .
Autre proposition, celle du World Trade Center de Marseille, qui a créé son espace de coworking tout en restant fidèle à son ADN : le business. Le centre, qui se positionne comme un complexe d’affaires high-tech mixant activités de congrès, bureaux pour les TPE, formations en langues et club international d’entreprises « avait besoin de moderniser son offre et de rechercher de nouveaux clients« , raconte Benoit Vincent, directeur du WTC. D’où la création de l’espace en question, qui « a généré une nouvelle dynamique« . La raison ? Un mixage, au même étage, des bureaux accueillant les entreprises et des locaux dévolus au coworking. « Tout a changé à partir du moment où nous avons proposé une offre de service commune aux coworkers et aux entreprises hébergées dans les bureaux : café à volonté, lunch boxes, mais aussi animations avec nos partenaires économiques, événements, tels les apéros langue en anglais… En benchmarkant, nous nous étions inspirés de We Work à New York, où les divers publics sont mélangés de la sorte. Nous avons recréé la même ambiance et avec presque deux ans de recul, cette dynamique a fait grimper le taux de remplissage des bureaux. On était à 85 %, on est aujourd’hui à 100 %« , poursuit Benoit Vincent. De fait, le WTC cultive aussi sa différence par le mobilier et le design, voulu dans cet esprit business. Ici, pas d’esprit récup ou home made… c’est blanc, épuré, sobre.
Mix intelligent
Tout l’inverse de l’Etable Cowork en somme, deux espaces vauclusiens ayant misé sur le côté lieu de vie en mariant bois de palette, métal et béton ciré. Le premier a vu le jour à Pertuis en 2015 et le second 9 mois plus tard à Avignon… qui plus est idéalement placé, puisque voisinant avec la French Tech Culture et The Bridge. Un environnement conférant déjà une teinte particulière à cette « étable », baignant de fait dans le numérique et hébergeant, outre ses coworkers, une dizaine de start-up du cru, à l’instar d’Oenojet, site de livraison de vins et spiritueux. « Nous aimerions avoir aussi des étudiants, et leur proposons des tarifs à -50 %« . La volonté de multiplier les profils est évidente. « Ce mois d’avril, nous ouvrons aussi 250 m2 de bureaux privatifs sur l’espace d’Avignon. C’était en effet le souhait de coworkers qui évoluent mais ont envie de rester dans cette ambiance. Et cela permet de générer un incubateur naturel. D’autant que nous développons aussi une offre de conseils en interne : juridique, expertise comptable« .
Quid du modèle économique ?
Des espaces qui rencontrent tous du succès et affichent chacun à leur compteur entre 20 et 50 coworkers. Malgré tout, il apparaît de façon assez évidente que les recettes tirées de leur hébergement ne sauraient suffire à elles seules à rentabiliser les structures. La preuve : toutes multiplient les activités susceptibles de générer du chiffre d’affaires. C’est le cas par essence pour le WTC, puisque le coworking ne vient qu’en complément d’une offre globale dédiée au monde économique. Mais quelque part aussi pour La Verrière, puisque l’espace s’est construit autour du cabinet d’expertise comptable de Valérie Ammirati. L’idée : « agrandir le local et créer une espèce d’écosystème pour le chef d’entreprise. Les 17 collaborateurs œuvrant dans le cabinet côtoient ainsi une vingtaine de coworkers. Trois avantages à cela : cela permet tout d’abord de changer l’image de l’expert comptable. Mais aussi, de faire réaliser à mes collaborateurs qu’un chef d’entreprise, ce n’est pas qu’un dossier… puisqu’ils évoluent côte à côte. Enfin, il m’arrive d’être sollicitée pour des conseils, ou de me voir confier leur comptabilité par certains. Même si ce n’est pas dans ce but que j’ai créé La Verrière« .
L’Etable Cowork a trouvé d’autres solutions pour générer du chiffre d’affaires supplémentaire, outre l’ouverture prochaine de leurs bureaux. « Nous proposons un service de domiciliation pour les entreprises, ce qui constitue un produit d’appel. Par ailleurs, nous avons conclu des partenariats avec des institutions, afin de leur ouvrir leurs propres espaces de coworking. C’est le cas depuis tout récemment avec la SNCF« , annonce Ludwig Ferren. Enfin, Make it Marseille a développé une activité d’agence spécialisée en design et communication visuelle. « Pour ce type de prestation nous faisons notamment appel à nos makers. On propose également aux entreprises l’organisation de soirées ou de team building, de l’animation créative, la réalisation de workshops« , détaille Emmanuelle Roy. Pérennisation et hybridation iraient-ils donc de pair ? Il semblerait.